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La répression au Maroc ne fera pas taire la dissidence

A Moroccan draped in the Berber, or Amazigh, flag shouts slogans while marching during a protest against the jailing of Al-Hirak al-Shaabi or "Popular Movement" activists in the capital Rabat on July 15, 2018. - Thousands demonstrated in the Moroccan capital on July 15 against the jailing of the leaders of the Hirak movement, whose protests which started in October 2016 spiralled after the death of a fisherman into a movement demanding jobs and development. (Photo by FADEL SENNA / AFP) (Photo credit should read FADEL SENNA/AFP/Getty Images)

Dans tout le pays, les manifestants sont de plus en plus disposés à critiquer le gouvernement et la monarchie – en dépit de la répression.

Lorsqu’elle a adhéré à l’Union nationale des étudiants marocains en 1978, Khadija Ryadi a su qu’elle ferait face à des difficultés. « À ce moment-là », a-t-elle rappelé, « nous avons été constamment suivis par la police. » Mais aujourd’hui, m’a-t-elle dit, la vie peut être encore plus dure. « Maintenant, non seulement nous sommes suivis, mais nous sommes aussi écoutés et photographiés, et partout. La répression est restée, mais les instruments ont changé. Je ne me sens jamais à l’aise.

Récemment, Ryadi, qui était présidente de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) de 2007 à 2013 et a remporté le Prix des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme en 2013, a fait sourciller les yeux. Dans un entretien avec moi, elle a dénoncé « un retour aux années de plomb » – une référence aux décennies de dure oppression des années 1960 aux années 1990 sous le règne du roi Hassan II.

La répression d’aujourd’hui est peut-être beaucoup moins brutale, mais le simple fait de dénoncer la récente vague de répression risque d’entraîner les opposants en prison. En effet, ces derniers mois, les défenseurs des droits de l’homme ont signalé une augmentation importante de harcèlement, des arrestations et de la violence policière à l’encontre des militants. Abdellah Lefnatsa, l’un d’entre eux, a déclaré que « les acquis tels que la liberté d’expression [et] le droit de manifester » sont en train d’être remis en question. Selon Youssef Raissouni, directeur exécutif de l’AMDH et membre du parti de gauche Annahj Addimocrati (La Voie Démocratique), plus de 1000 personnes ont été emprisonnées pour des accusations liées à la politique.

Au-delà des grands noms, il y a des gens comme Nawal Benaissa, une mère de 37 ans, mère de quatre enfants, qui a été arrêtée quatre fois pour son implication dans des manifestations dénonçant la corruption et exigeant des emplois, des hôpitaux et des écoles dans le cadre  du mouvement rifain | Hirak, qui a débuté dans la région du Rif, dans le nord du pays, après qu’un poissonnier ait été écrasé dans un camion poubelle en octobre 2016 alors qu’il tentait de récupérer sa marchandise de poissons que les autorités locales lui avaient pris.

Les charges officielles retenues contre elle, participation à une manifestation non autorisée, outrage aux agents de la force publique et incitation d’autres personnes à commettre des infractions pénales. En février dernier, elle a été condamnée à une peine de 10 mois avec sursis et à une amende de 500 DH (environ 50 dollars).

Mortada Iamrachen, un autre militant du Hirak, a été arrêté en novembre 2017 et condamné à 5 ans de prison pour avoir publié deux publications sur Facebook. Le premier, en décembre 2016, était un reportage sur l’assassinat de l’ambassadeur de Russie en Turquie. La deuxième publication, en juin 2017, incluait le récit d’une conversation au cours de laquelle un prétendu journaliste lui aurait demandé s’il avait tenté de faire entrer des armes au Maroc sous les ordres d’Al-Qaïda et qu’il avait répondu sarcastiquement à ce qu’il l’avait fait. Il était accusé de promotion du terrorisme.

Pendant l’été, entre-temps, Nasser Zefzafi et trois autres leaders de la manifestation du Hirak ont ​​été condamnés à 20 ans de prison pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Les manifestants ont organisé des rassemblements à Casablanca et à Rabat en juillet dernier pour condamner les lourdes peines qui leur ont été condamnées ainsi que 49 autres militants et journalistes citoyens.

Désormais détenus à Oukacha à Casablanca, les militants ont entamé plusieurs grèves de la faim pour dénoncer leurs condamnations et les conditions de leur détention. Zefzafi a été maintenu à l’isolement pendant plus d’un an après son arrestation, en violation le standard des Nations unies, selon Human Rights Watch.

Un procès en appel pour 42 des détenus – 11 ont été graciés par le roi Mohammed VI depuis le verdict rendu en juin dernier – a été ouvert à Casablanca le 14 novembre 2018, mais les défenseurs des droits humains ne sont pas optimistes.

Le Maroc a déjà été témoin de vagues de manifestations et de détentions. Les gens ont marché contre les prix élevés des denrées alimentaires en 2007, contre le chômage en 2008 et pour la démocratie pendant et après le printemps « arabe ». Mais le nombre de poursuites engagées a considérablement augmenté, passant de 124 en 2016 à environ 1 000 depuis 2017, selon Raissouni.

Parmi les personnes emprisonnées figurent des militants du Hirak, des manifestants du nord-est et du sud, des étudiants de l’UNEM et des journalistes. (Rachid Belaali, avocat des défenseurs des activistes du Hirak, a déclaré qu’au moins 1 200 manifestants ont été arrêtés depuis 2017 ; environ un tiers d’entre eux ont été inculpés simplement pour avoir exprimé leur soutien au mouvement sur les réseaux sociaux, principalement sur Facebook.)

Par Ilhem Rachidi

Source : foreignpolicy.com

(Traduction, Rachid Oufkir)

 

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