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Kabylie : les lycéens dans la rue pour le boycott de la langue arabe

Partis dimanche 14 octobre du lycée de Beni Zmenzer, une petite commune au sud de Tizi-Ouzou, les appels au boycott des cours d’arabe se multiplient chez les lycéens de Kabylie. Un mouvement de ras-le-bol déclenché par plusieurs déclarations publiques hostiles à la langue amazigh.

Les réseaux sociaux accentuant l’effet boule de neige, plusieurs localités de Kabylie ont vu des rassemblements et des marches de collégiens brandissant le drapeau amazigh et scandant des slogans appelant au boycott pur et simple des cours d’arabe dans les écoles.

« Cette grève des lycéens est une réaction normale aux dérives racistes de Naima Salhi, qui appelle ouvertement à boycotter l’enseignement d’une langue nationale et officielle, inscrite dans la Constitution « , s’indigne Kamira Nait Sid, représentante Algérie du Congrès mondial amazigh (CMA) – qui tiendra sa grand-messe du 26 au 28 octobre à Tunis.

En février dernier, Naima Salhi, députée et secrétaire générale du Parti de l’équité et de la proclamation, avait déclaré :  « le tamazight est une langue morte qui n’est pas porteuse de science. Qu’est ce qu’on ferait avec ? » La vidéo avait fait le buzz sur ces mêmes réseaux sociaux. Bon nombre de berbérophones avaient alors jugé ces propos « choquants, insultants et ouvertement racistes ».

Habituée aux outrances verbales, Naima Salhi est allée plus loin en promettant de tuer sa fille, qui s’était familiarisée avec la langue kabyle au contact de ses camarades de classe, si elle venait à nouveau à prononcer un seul mot dans cette langue à la maison. « Puisque c’est devenu obligatoire d’apprendre le berbère, j’ai dit à ma fille : ‘si tu prononces un seul mot en kabyle, je te tue !’ », a lâché la députée islamiste.

Généralisation du tamazight à l’école

Un autre facteur qui a provoqué la réaction viscérale des lycéens kabyles est la diffusion d’un reportage sur la chaîne de télévision privée Echourouk News, le 19 septembre dernier. On y voit des parents d’élèves réunis devant les grilles de l’école primaire « Bencheyoub Rachid », dans la localité de Jijel (petite Kabylie).

Ces parents protestent vigoureusement contre le choix par le ministère de l’Éducation nationale de l’école de leur progéniture comme établissement pilote pour la généralisation de la langue amazigh. « Nos enfants ne sont pas des cobayes », dit l’un des protestataires. « Nos enfants n’en ont que faire de cette langue ! », soutient un autre.

 

Une autre image avait également fait beaucoup parler. On y voit un petit garçon, présenté comme l’unique kabyle à suivre le cours de berbère, désespérément seul dans une classe avec son enseignant.

Largement reprise et commentée sur Facebook, la séquence a déchaîné les passions dans les milieux berbérophones, suscitant aussitôt les premiers appels à appliquer la loi du talion. « Puisqu’ils rejettent tamazight, rejetons l’arabe ! », argumentent les plus zélés défenseurs de la langue berbère.

Une langue toujours marginalisée

En décembre de l’année dernière, des marches et des rassemblements avaient également été organisées par les lycéens et collégiens de Kabylie, afin de protester contre le rejet par les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) d’un amendement favorable à la promotion du tamazight et à la généralisation de son enseignement.

« L’enseignement du tamazight est resté facultatif et expérimental, même après toutes ces années et ces pseudo-acquis. Pis encore, le nombre d’établissements où il est enseigné ne cesse de diminuer. Son officialisation en 2016 n’a pas changé grand chose, puisque la loi organique tarde à venir », dénonce Kamira Nait Sid.

En Algérie, la langue amazigh a été constitutionnalisée pour acquérir son statut actuel de langue nationale et officielle, après une longue lutte émaillée de soulèvements tels le « printemps berbère » de 1980 et le « printemps noir », qui avait fait 126 morts en 2001. Son introduction à l’école algérienne s’est faite grâce, notamment, au boycott scolaire de 1995, qui avait vu les élèves de Kabylie déserter les bancs de l’école durant une année.

Arezki Saïd – à Béjaïa

Source : Jeune afrique

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