Et si vous lisiez, Messieurs d’en haut ?
Messieurs d’en haut,
Si vous lisiez, nous ne serions pas devenus une risée et notre patrie ne serait pas brisée, notre jeunesse ne serait pas paralysée et hypnotisée, nous serions comptés parmi les nations civilisées et en cas de votre maladie, c’est en Algérie que vous seriez hospitalisés et pas à la ville des Champs Élysées. Aux écrivains, vous auriez aussi construit un panthéon et des musées et le peuple n’aurait pas en vous voyant la nausée et la dictature, vous ne l’auriez pas imposée.
Si vous avez lu Rachid Mimouni, vous auriez gardé « l’honneur de la tribu » et vous n’auriez pas fait de l’Algérie « le fleuve détourné »
Si vous avez feuilleté les livres de Mouloud Mammeri, vous n’auriez pas utilisé contre le peuple « l’opium et le bâton » et la Kabylie, vous ne l’auriez pas classée « colline oubliée »
Si vous avez lu Mouloud Feraoun, vers le progrès, vous auriez emprunté « les chemins qui montent » et l’enfant algérien ne serait jamais « le fils du pauvre »
Si vous avez lu Tahar Djaout, vous n’auriez pas fait de l’Algérien « l’exproprié » de sa culture et de son identité et vous n’auriez pas fait « l’invention du désert » sur les terres fertiles.
Si vous avez lu Mohamed Dib, vous auriez fait de la patrie « la grande maison » et la relation entre nos citoyens un « métier à tisser ».
Si vous avez lu Kateb Yacine, vous n’auriez pas fait de l’Algérien « L’homme aux sandales de caoutchouc » et l’Algérie serait une « Nedjma » au ciel des nations et la vieille mère ne dira jamais à son fils : « Mohamed prend ta valise » et quitte ce bled.
Si vous avez lu Camus, le jeune Algérien ne serait pas « l’étranger » sans repères dans sa propre patrie et il n’aurait jamais connu « La chute » libre qui le descend aux enfers.
Si vous avez lu Kamel Daoud, vous n’auriez pas prêché votre faux « Zabor » et vous ne l’aurez jamais livré un lynchage des obscurantistes, « Ô Pharaon » !
Si vous avez lu Yasmina Khadra, « les hirondelles de Kaboul » n’auraient jamais fait leurs nids sur les têtes des filles d’Alger et la patrie ne saurait jamais « La foire des enfoirés ».
Si vous avez lu, vos geôles seraient ouvertes aux corrompus et aux bandits et non aux érudits et vous aurez investi dans la technologie et l’industrie et le peuple rêvera d’une Algérie paradis et non des viols des Houris.
Si vous avez lu, je ne vous aurais jamais écrit, je vous aurais glorifiés et le peuple vous aurait aimé et applaudi, mais vous avez fait de nous une risée, soyez maudits !
Pour ne pas être injuste comme vous, je reconnais que vous avez lu et relu l’ouvrage qui est devenu votre livre de chevet dans lequel vous vous inspirez pour nous écraser, nous dominer, nous abrutir et pour exiler ou tuer les meilleurs de nos lettrés afin de garder à vie la couronne princière, ce livre qui est devenu votre bible, votre coran et votre Thora, n’est autre que « Le prince » de Machiavel.
Rachid Mouaci

Pierre Marcel Montmory
10 octobre 2018 à 4:31
L’ENFANT DU PAUVRE
L’objectif premier est de détruire l’ordre colonial et non la France.
Le but principal est celui de détruire l’ordre odieux de privilèges qui s’appelle la colonisation et cette tâche peut-être entreprise en dehors de considérations d’origine.
Le combat n’est pas celui d’effacer une communauté au détriment d’une autre. La contradiction fondamentale qui traverse l’humanité est celle de la colonisation en tant qu’institution politique et économique face à la masse paysanne et les démunis des villes.
C’est un simple acte de solidarité humaine.
La communauté ne peut ni ne doit nous imposer des limites puisque sa tâche est d’implanter une prise de conscience politique évoluant de la revendication sociale à celle de la question mondiale : la formation socio-historique d’une identité politique.
Les choses continuent à se dire comme elles sont pour que la dénonciation soit faite.
Et nous sommes face au problème de celui, bien entendu, de la répression que nous subissons tous.
Dialoguons et révélons avec nos noms : nos pensées et nos sentiments.
Les seuls ennemis qui existent sont les policiers et les soldats et les travailleurs fabriquant les armes.
Une composante sociale et politique est annoncée et ne s’écrit pas dans le réel social, il le dépasse par les questionnements, les attitudes au quotidien, les pensées les plus intimes et les projets dont nous rêvons ou que nous souhaitons accomplir.
Nous sommes pliés sur nous-mêmes dans notre révolte et dans nos souffrances. Nous sommes une humanité plus déchirée que partagée dans notre pays terrestre où les armées et les polices ne laissent aucun instant à la parole, et où le seul contact entre colons et colonisés s’entretient dans la violence.
Nous trouverons dans notre méditation et dans nos dialogues des matières inépuisables à régénérer nos actes, en nous interrogeant sur le secret les mécanismes du vécu quotidien à travers les espaces les plus diversifiés.
De cette quête jaillira l’immense et l’immuable symbolique universelle : celle où doivent se débattre les habitants de la Terre entière.
Nous ne serons ni possédés par les esprits de nos aïeuls, et nous n’entrerons pas en transe pour les émouvoir.
Nous ne serons pas sublimes par le fait de croyances ou d’idéologies, nous ne serons pas soumis à des lois ni à des gouvernements, nous ne nous réfugierons pas dans une symbolique kabbalistique, faisant de nous des idiots obscurs et/ou des malins messianiques.