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vendredi 19 avril 2024
ActualitéAlgérie : cette opposition qui court après les jeunes

Algérie : cette opposition qui court après les jeunes

De l’islamiste Djaballah à la trotskiste Hanoune, ils cherchent désespérément à coller au mouvement populaire qui fait vaciller le pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika.

Les partis de l’opposition algérienne, toutes tendances confondues, seront dans la rue ce vendredi parmi les manifestants. Mais pas en tant que partis : leurs dirigeants et leurs sympathisants y prendront part à titre individuel et défileront sous des mots d’ordre et des slogans comme « Le 22 mars, la marche de la chute » qui ne sont pas les leurs. Autrement, ils ne seront pas acceptés. L’islamiste dit modéré Abdellah Djaballah, chef du Parti justice et liberté (PJL), la dirigeante trot­skiste Louisa Hanoune, même l’ex-premier ministre Ali Benflis, qui fait figure d’opposant numéro un, et d’autres dirigeants des partis siégeant à l’Assemblée nationale populaire et au Sénat en savent quelque chose : ils ont été sifflés, voire contraints de quitter la manifestation populaire, ces dernières semaines.

Cela ne les a pourtant pas empêchés de se réunir à maintes reprises pour définir une stratégie commune face à un président qui refuse de partir. Ou d’aller chacun de leur côté avec leur propre feuille de route de sortie de crise, de crainte que le mouvement populaire, qui a une longueur de distance sur eux, ne creuse davantage l’écart. Et pour ce faire, ils n’ont pas hésité à embarquer dans leurs wagons Kamel Guemazi et Abdelkader Boukhamkham, deux membres fondateurs de l’ex-Front islamique du salut (FIS, dissous en 1992, à l’origine de la guerre civile des années 1990), escomptant sans doute entraîner ce qu’il reste de la base islamiste radicale convertie opportunément et tactiquement à la démocratie pluraliste.

Personne ne veut d’un scénario égyptien ou tunisien

Outre la photo des dirigeants de cette opposition en train de faire la prière conduite par Kamel Guemazi, qui a fait le tour des réseaux sociaux, c’est cette « plateforme pour le changement en Algérie », signée par Mustapha Bouchachi, ex-président de la LDH (droits de l’homme), député et membre du FFS (social-démocrate), Karim Tabou (ancien dirigeant du même FFS), Mohcine Belabbas (RCD, centre gauche)… et deux dirigeants de l’ex-FIS, Guemazi et Mourad Dhina, lequel avait ouvertement assumé l’assassinat des intellectuels algériens durant les années 1990, qui fait désordre : ces opposants sont accusés de se poser en tuteurs d’un mouvement qu’ils ont pris en cours de route. Au point que Karim Tabou a affirmé sans rire qu’il avait signé un texte où ne figurait aucun nom, tandis que M. Bouchachi jure la main sur le cœur qu’il ne l’a jamais signé.

Discrets jusque-là, les anciens de l’ex-FIS sont sur la brèche : ils vont tenter dès ce vendredi d’investir le mouvement populaire et pourquoi pas tenter de le détourner à leur profit. Sur les réseaux sociaux, les mises en garde ne manquent pas : personne ne veut d’une réédition des scénarios égyptien ou tunisien, qui avaient vu les islamistes prendre en retard le train populaire avant d’en prendre la direction, d’autant qu’ils disposent grâce à l’appui des pays du Golfe d’importants moyens financiers et médiatiques. Et l’Algérie n’échappe pas à ce cas de figure. Vigilance donc.

Tout ce beau monde qui cherche à parrainer le mouvement populaire s’agite comme si ces millions de jeunes qui manifestent, et pas seulement le vendredi, et qui sont en train de réinventer la politique n’étaient pas porteurs d’une autre idée de l’Algérie. Certes, tous louent leur degré de civisme et leur maturité, mais dans le style « toi le jeune, pousse-toi que je m’y mette », « la récré est finie, rentrez à la maison », « laissez les adultes finir le boulot ».

Or, le talon d’Achille de ce personnel politique pris de court par les événements actuels réside dans le fait qu’il est constitué de partis sans base populaire. Aux dernières élections législatives de mai 2017, où le taux de participation était de 35 % (8,2 millions d’électeurs sur 23 millions), les partis de l’opposition, y compris les islamistes dits modérés, ont récolté moins de 1,5 million de voix et moins de 70 sièges sur les 462 en lice. C’est dire (1).

Qui plus est, en participant à des élections jouées d’avance qui ont permis au pouvoir politique de se prévaloir d’une façade démocratique et pseudo-pluraliste, ils ont perdu toute crédibilité auprès de cette jeunesse algérienne majoritaire démographiquement. Quant à l’ancien FIS, personne n’a oublié les 100 000 morts des années 1990.

(1) Le FLN, qui a raflé la majorité des sièges, n’a obtenu que 1,6 million de voix, soit 7 % des inscrits.
Source L’Humanité
Par H.Zerrouky

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