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2020, la chute ou la résurrection de Rached Ghanouchi

Le 20 mai 2020 sera sans nul doute la journée la plus longue de la vie mouvementée et complexe du cheikh Rached Ghanouchi.

Le parti Ennahdha a formé des commerciaux façon Amazone pour vendre au monde entier l’image d’un mouvement politique unifié, discipliné et éternel. Pourtant la vérité est ailleurs.

Le 20 mai 2020 sera sans nul doute la journée la plus longue de la vie mouvementée et complexe du Cheikh Rached Ghanouchi. Et pour cause l’un des fondateurs emblématique du MIT ancienne et obscure incarnation de l’actuelle Ennahadha devra légalement quitter la présidence de son mouvement. Pour le Cheikh quitter le pouvoir après avoir traversé indemne deux siècles et miraculeusement  survécu aux polices politiques de Bourguiba et de Ben Ali, est une épreuve insurmontable et au goût bien amer. Mais celui qui répète à l’envi que le mouvement Ennadha est une organisation au fonctionnement démocratique doit comme tout le monde se soumettre au règlement intérieur.

L’article 31 de ce règlement limite la présidence à deux mandats. Reconduit lors du Xéme congrès tenu en 2016 Rached Ghannouchi doit se retirer le 20 mai 2020 et passer le relais. Un exercice difficile à envisager dans une totale sérénité quand on connait la passion de Ghannouchi pour le pouvoir et le leadership. N’oublions pas que faute d’avoir pu accoster au port de la Goulette et monter sur un cheval blanc emporté par la foule en liesse, Ghannouchi a son 1e juin qui correspond au 30 janvier 2011 à l’aéroport de Tunis-Carthage accueilli par une foule indisciplinée et coupée de la réalité. Dans cette visite au musée Grévin, le fossé qui sépare les deux hommes est immense. Le 1er juin 1955 Bourguiba ramène dans ses bagages le projet d’indépendance d’une nouvelle nation. Le 30 Janvier 2011 Ghanouchi ramène de Londres une idéologie autiste   qui faire sombrer la Tunisie dans une grande crise politique.

Du coup le 20 mai 2020 sonne le crépuscule du dernier cheikh. Sauf que sa garde rapproché et ses soutiens les plus fidèles ne l’entendent pas ainsi. Ils agissent en meute et préparent un appel pour un troisième mandat en violation totale et flagrante de l’article 31 du règlement intérieur du parti. La liste des personnalités qui appellent Ghannouchi à s’offrir un 3ème mandat ne cesse de s’allonger au prétexte qu’à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Stupéfiant hasard du calendrier ou signe funeste la première liste appelant Ben Ali à se représenter en 2004 a verrouillé ses amendements constitutionnels le 20 mai 2004.

Maudit mois de mai!  Des experts proches de la rue Elless, QG du mouvement, décryptent sous le sceau de l’anonymat “le coup d’Etat constitutionnel qui se prépare pour 2020” au sein du parti. En Mars prochain, on en saura un peu plus avec des élections de mi-mandat qui font la spécificité du mode de gouvernance du parti. En attendant et dans le camp adverse l’opposition au troisième mandat s’organise. Les forces en présence sont à armes égales. Mais l’opposition qui serait menée par Abdelatif Mekki  manœuvrerait en coulisses pour un projet de scission. Et ce grand au dam de son puissant rival Abdelkrim Harrouni, un faucon de la première heure. Voilà qui compromet dangereusement les chances de réussite de ce “putsch constitutionnel”.

Ghannouchi que l’on dit profondément favorable à préserver les commandes du parti caresse sans vraiment le cacher une seconde ambition: devenir président de la République. Il se voit Président et vit pour cet instant. Un statisticien lui aurait glissé: “Un cheikh ça se travaille mais vous pouvez y arriver”. Plus proche, un des plus brillants jeunes membres de la Choura lui aurait déconseillé une telle aventure: “vous n’avez aucune chance”.

Le Cheikh qui passerait sans doute le second tour subirait impitoyablement le sort du FN face à des candidats aussi redoutables que Youssef Chahed, Mohsen Marzouk, Samia ou Mohamed Abbou et dans une moindre mesure Béji et Mehdi Jomaâ.

Dépité par une telle tournure, le cheikh pourrait retrouver le sourire sur le front des législatives. Selon les mathématiciens d’Ennadha le parti devrait sans difficulté remporté la première place des législatives, fort d’un noyau dur de 500.000 militants rodés. Il serait alors suivi par le mouvement de Youssef Chahed et en troisième positon, un ballotage incolore et inodore de Nida et du mouvement Attayar.

Nabil Allani

Source : huffpostmaghreb.com

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